To Lam a été élu secrétaire général du Parti communiste du Vietnam par le comité central, ce samedi 3 août, soit deux semaines après le décès de son prédécesseur Nguyen Phu Trong. En présidant l’Assemblée nationale et en assumant les fonctions de Premier ministre, il devient le personnage le plus important du pays.
Désigné ce samedi comme secrétaire général du Parti unique , To Lam a façonné son ascension fulgurante dans les rangs de la police d'État, à coup de répression dénoncée par les défenseurs des droits humains. Le choix de l'ancien ministre de la Sécurité publique pour prendre la relève n'a pas étonné les spécialistes.
« Je continuerai à accélérer la lutte anticorruption, quelle que soit la personne visée, a-t-il assuré samedi lors de la conférence de presse du parti ayant annoncé sa nomination.Nous avons gagné la confiance du peuple et de nos amis internationaux dans notre combat. »
Sous couvert de lutte contre la corruption, To Lam , 67 ans, manœuvrait depuis des années pour écarter ses rivaux de la course à la succession de Nguyen Phu Trong , dont le mandat devait s'achever en 2026. Il a mobilisé les moyens tout-puissants de l'ordre public dans ce qui a représenté la plus importante purge de l'histoire du Vietnam indépendant, visant deux présidents, des ministres et des leaders économiques, entre autres.
L’ordre et le maintien de l’ordre sont au cœur du projet politique de To Lam , qui gouverne dans les pas de son prédécesseur Nguyen Phu Trong . Même si son parcours diffère de celui de son aîné, idéologue conservateur allié de Pékin et qui avait fait ses classes dans la presse du Parti communiste du Vietnam (PCV).
Le Vietnam, l'une des dernières autocraties communistes au monde, est dirigé par un collectif appelé les « quatre piliers » : le secrétaire général du parti, le président, le Premier ministre et le président de l'Assemblée nationale. Le secrétaire général est considéré comme ayant le rôle le plus puissant. To Lam occupe désormais ces quatre fonctions. À plusieurs reprises, dans l’histoire politique vietnamienne, les postes de président et de Secrétaire général ont été occupés par la même personne, comme Nguyen Phu Trong de 2019 à 2021.
Autoritaire
Né en 1957 dans la province de Hung Yen, dans le Nord communiste, par opposition au Sud pro-américain à l'époque, To Lam est un pur produit du ministère de la Sécurité publique, qu'il a intégré après des études à l'académie de police. Il en devient le chef en 2016, quelques années après avoir intégré le bureau politique du PCV, en 2011. « En tant qu’ancien ministre de la Sécurité publique, To Lam occupait une place stratégique centrale au sein de l’appareil d’État.
La police a toujours été un acteur sécuritaire extrêmement important dans la protection du régime », estime Benoît de Tréglodé, directeur de recherches à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem) au micro de la rédaction en Vietnamien du RFI .
Sous To Lam , les dissidents ont fait l'objet de la surveillance accrue des autorités, accusées d'avoir arrêté et détenu arbitrairement des journalistes , des écologistes ou des défenseurs des droits humains. Au même moment, l'opération « brasier ardent » a traduit en justice des milliers de personnes pour fraude et corruption et révélé plusieurs scandales financiers d'ampleur qui ont choqué l'opinion.
La campagne a été conçue par Nguyen Phu Trong, mais To Lam, « le dernier homme debout », l'a reprise à son compte, selon Zachary Abuza, professeur au National War College de Washington, dans des propos à l'AFP en mai. Le ministre de la Sécurité publique a instrumentalisé les enquêtes et « systématiquement éliminé les rivaux du bureau politique qui étaient éligibles pour devenir secrétaire général » du PCV, explique-t-il.
L'ascension de To Lam se poursuit en mai dernier lorsqu'il accède à la présidence du pays, une fonction élevée, mais essentiellement protocolaire, non sans s'être assuré d'avoir nommé un proche pour le remplacer à la tête de la police. « De par l’importance plus relative du poste de président dans le système politique vietnamien, To Lam n’était pas directement intéressé pour occuper ce poste, assure Benoît de Tréglodé. S’il a finalement accepté de le faire, c’est qu’il savait que les jours de Nguyen Phu Trong étaient comptés et que c’était un poste transitoire pour lui. »
Polémique
« Comme ministre, il s'est montré répressif envers le mouvement démocratique », estime auprès de l'AFP le journaliste dissident Le Anh Hung. Pour la suite, « le temps dira. Nous n'avons que des illusions pour le moment », poursuit-il.
L'ascension de To Lam n'aura connu qu'un seul accroc public. En 2021, un scandale a éclaté après la diffusion d'une vidéo le montrant en train de manger un steak incrusté de paillettes d'or à plusieurs centaines d'euros, dans un restaurant branché de Londres, après avoir visité la tombe de Karl Marx . Un vendeur de nouilles qui a parodié le clip a été condamné par la suite à cinq années de prison, en dépit de l'appel des groupes de défense des droits humains à abandonner les accusations.
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