Cet électorat conservateur, incarné par le meeting de François Fillon en 2017, est partagé ces dernières années entre Reconquête et Les Républicains. Il est désormais dans le viseur de Jordan Bardella.
C’est un morceau d’électorat très courtisé pour ces élections européennes . La droite conservatrice, parfois qualifiée de « droite Trocadéro », a longtemps été acquise aux Républicains. Mais avec l’irruption d'Eric Zemmour à la dernière présidentielle et la volonté d’élargissement du rassemblement national , elle se trouve au cœur d’une nouvelle bataille. Si bien que son choix, lors du scrutin du 9 juin, pourrait avoir des répercussions importantes sur l’avenir de Reconquête et de LR.
Un électorat tiraillé
Lors de la précédente campagne européenne en 2019, Edouard Philippe, alors Premier ministre, avait taclé « la droite Trocadéro » pour mieux railler le rabougrissement de son ancienne famille politique derrière la candidature « conservatrice » de François-Xavier Bellamy. Derrière ce qualificatif : le grand meeting de François Fillon sur cette place du 16e arrondissement de Paris en mars 2017. Accablé par les affaires, le candidat LR avait rassemblé ses derniers soutiens, bien aidé par les réseaux de la Manif pour Tous. Une place, choisie également par Nicolas Sarkozy pour un rassemblement de fin de campagne en 2012, et par Eric Zemmour dix ans plus tard, qui est devenue un symbole du socle conservateur de la droite.
« Cela représente un électorat plutôt âgé, issu de la métropole parisienne et/ou de catégories supérieures, avec un fort capital social et culturel, historiquement classé à droite », rappelle Frédéric Dabi, directeur général Opinion de l’Ifop. Ces Français vont plus aux urnes que la moyenne nationale, ce qui en fait un butin très convoité. « Cet électorat a pu être tenté par Emmanuel Macron ou Eric Zemmour en 2022. Mais le phénomène nouveau, c’est la percée du RN au sein de cette catégorie qui lui a longtemps résisté », ajoute-t-il.
Le RN fait des clins d’œil à la droite
Depuis plusieurs années, le Rassemblement national se donne bien des peines pour cibler cet électorat. Le parti de Marine Le Pen a supprimé les éléments repoussoirs de son programme (Frexit ou retraite à 60 ans pour tous) et tente , rencontre après rencontre, de séduire les milieu économiques « On voit bien que Jordan Bardella mord sur cet électorat CSP +, les chefs d’entreprise, les professions libérales qui subissent de plein fouet la crise traversée par notre pays », assure l’élu breton Gilles Pennelle, membre du bureau exécutif du RN. « Cette colère et ce rejet de Macron amplifient notre dynamique, y compris chez les gens qui ne votaient pas pour nous jusqu’à présent », poursuit-il.
Le patron et tête de liste RN, qui débat ce vendredi sur France Inter avec Raphaël Glucksmann, n’hésite d’ailleurs pas à multiplier les clins d’œil, des références au RPR de Chirac à l’ouvrage de Nicolas Sarkozy sur son bureau lors d’une vidéo de rentrée… Pas étonnant, non plus, de retrouver sur la liste RN l’essayiste Malika Sorel, qui était au premier rang du meeting du Trocadéro de François Fillon , et Alexandre Varaut, ex-avocat de la Manif pour tous .
Agacement chez LR et Reconquête
Une stratégie qui ne manque pas d’agacer la droite. « Je ne sais pas ce qu’est l’électorat conservateur, mais je suis certain qu’il recherche de la constance et du sérieux. François-Xavier Bellamy n’a, lui, jamais varié, et il a un bilan au parlement européen. C’est loin d’être le cas du RN… », tacle Othman Nasrou, directeur de campagne. Les Républicains sont persuadés que la question des déficits publics, qui a fait irruption dans la campagne ces dernières semaines, leur sera favorable. « Il y a une tentation de vote protestataire, le RN surfe là-dessus, mais il n’a aucune crédibilité sur les questions économiques, ce qui heurte l’électorat plutôt conservateur dont on parle », abonde le député LR Eric Pauget.
Chez Reconquête, Eric Zemmour préfère épingler le programme économique « socialiste » de Marine Le Pen pour dissuader la fuite de ses troupes vers Bardella. La tête de liste, Marion Maréchal, mise aussi sur les propositions plus radicales de Reconquête sur l’immigration, sujet de prédilection de l’électorat courtisé. « Il y a une porosité à l’heure actuelle entre les votes Reconquête, RN et LR, qui placent tous l'immigration comme première motivation de vote », assure Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive. Qui ajoute : « Cette droite Trocadéro ne fera pas basculer l’élection, mais les quelques points qu’elle représente en font un enjeu électoral indéniable ». Notamment pour Les Républicains et Reconquête, qui naviguent dangereusement au-dessus de la barre fatidique des 5 % dans les sondages, nécessaires pour obtenir des sièges au Parlement européen.
コメント